Au Burkina Faso, les jeunes représentent une part importante de la population, et pourtant, ils demeurent confrontés à d’énormes défis en matière d’accès à l’information et aux services liés à la santé sexuelle et reproductive (SSR). Tabous culturels, manque de communication intergénérationnelle, éducation à la vie familiale insuffisante à l’école, ou encore éloignement géographique des structures de santé adaptées à la jeunesse… autant de barrières qui freinent l’épanouissement des adolescent(e)s et jeunes adultes.
Face à ces défis, l’éducation numérique émerge comme une réponse pertinente, inclusive et innovante. Elle permet de contourner certaines résistances sociales tout en rapprochant les jeunes des services essentiels, notamment grâce à l’apparition de nombreuses initiatives locales portées par des jeunes ou des organisations à leur écoute. Aujourd’hui, plus que jamais, les technologies de l’information et de la communication (TIC) jouent un rôle déterminant dans la diffusion de contenus fiables sur les DSSR, dans la lutte contre la désinformation, et dans l’autonomisation des jeunes en matière de santé sexuelle.
Au Burkina Faso, plusieurs innovations numériques ont vu le jour ces dernières années, portées par un engagement croissant des acteurs associatifs et communautaires. L’une des plateformes les plus emblématiques est QG Jeunes, une initiative mise en place pour fournir aux jeunes un espace d’échange sécurisé et anonyme autour des thématiques liées à leur santé sexuelle et reproductive. Par des moyens interactifs comme des quiz, des podcasts, des vidéos éducatives, et un service de messagerie, QG Jeunes répond aux préoccupations des adolescents sur des sujets comme la contraception, les infections sexuellement transmissibles, les violences basées sur le genre ou encore le consentement. La plateforme participe également à l’orientation des jeunes vers des structures de santé amies des jeunes.
Autre exemple marquant : HelloAdo, une application mobile et plateforme en ligne développée pour informer et conseiller les adolescents sur la sexualité, les relations amoureuses, le respect de soi et des autres. Ce projet, pensé avec les jeunes et pour les jeunes, propose une approche inclusive et non jugeante, valorisant l’écoute et la confidentialité. Il contribue à briser les tabous encore très ancrés dans certaines communautés et facilite une meilleure compréhension des droits sexuels et reproductifs chez les adolescent(e)s.
À ces initiatives s’ajoute l’engagement de notre organisation le Réseau des Héroïnes du Faso, une organisation de jeunes filles engagées pour les droits des femmes et des filles au Burkina. Nous avons mis en œuvre des solutions numériques novatrices telles que Kompougli Rogom Lafi, une application mobile de sensibilisation et d’accompagnement destinée aux jeunes filles, notamment les plus marginalisées (fillettes en situation de domesticité, déplacées internes, etc.) et met l’accent sur la prévention des grossesses précoces, l’hygiène menstruelle, la gestion des violences sexuelles, le consentement, l’interruption sécurisée de grossesse selon la loi et l’accès aux soins.
Toutes ces innovations répondent à un besoin fondamental : celui d’accéder à l’information juste, fiable, contextualisée et en temps réel. Elles incarnent une révolution silencieuse dans un pays où parler de sexualité demeure encore délicat, voire interdit dans certaines sphères. L’approche numérique permet ainsi d’atteindre des jeunes habituellement exclus des circuits classiques d’information, notamment en zone rurale ou en contexte d’insécurité, où les centres de santé sont parfois absents ou difficilement accessibles.
Toutefois, malgré ces avancées, des défis persistent : la fracture numérique reste une réalité pour de nombreux jeunes, notamment ceux n’ayant pas accès à internet ou ne disposant pas de smartphones. Les filles, en particulier, restent plus exposées à l’exclusion numérique. Des efforts doivent être faits pour renforcer l’accessibilité, notamment via les radios communautaires, les bornes d’écoute, ou encore des programmes numériques diffusés dans les écoles et centres de formation. De plus, l’environnement juridique et politique autour de l’éducation sexuelle intégrale et des DSSR doit être davantage soutenu. Le numérique ne remplace pas l’importance des réformes structurelles, mais il peut les accompagner efficacement.
En conclusion, la digitalisation de l’éducation aux DSSR représente une réelle opportunité pour renforcer les connaissances, l’autonomie et la capacité de décision des jeunes au Burkina Faso. À travers des initiatives comme QG Jeunes, HelloAdo, ou Kompougli Rogom Lafi, les jeunes accèdent non seulement à de l’information, mais aussi à des outils pour s’exprimer, partager, et s’organiser. Il est impératif que ces initiatives soient soutenues, étendues et institutionnalisées, afin de garantir un véritable accès aux droits et à la santé sexuelle et reproductive pour tous les jeunes, sans distinction. Le numérique peut être une passerelle vers un avenir plus juste, plus libre et plus sain. Mais cela ne sera possible qu’avec un engagement collectif, une volonté politique ferme, et une écoute attentive des besoins réels des jeunes. Au-delà de l’innovation technologique, il s’agit d’un impératif de justice sociale.
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