L’interruption sécurisée de grossesse selon la loi (ISG/SL), encore appelée avortement médicalisé ou sécurisé, demeure un sujet sensible, tabou et souvent mal compris au Burkina Faso. Pourtant, c’est un enjeu de santé publique, de justice sociale et de droits humains, notamment pour les adolescentes, les jeunes filles et les femmes qui font face à des grossesses non désirées ou à des situations extrêmes. Le silence, les jugements sociaux et la désinformation autour de l’ISG/SL contribuent à la stigmatisation des femmes et des filles qui y ont recours, souvent au péril de leur vie. Il est donc indispensable de lever le voile sur ce que dit réellement la loi burkinabè en la matière, afin d’informer et de sensibiliser sur les conditions légales d’une ISG/SL, et de contribuer à sauver des vies.
Au Burkina Faso, comme dans de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest, l’ISG est légal dans des conditions strictement encadrées. La législation actuelle repose principalement sur les articles 513-13 et 513-14 du Code pénal, qui prévoient explicitement les cas dans lesquels une interruption sécurisée de grossesse peut être pratiquée. L’article 513-13 stipule que : « une grossesse issue d’un viol ou d’une relation incestueuse, la malformation fœtale et la menace de la santé de la mère sont des conditions pour bénéficier d’une interruption sécurisée de la grossesse selon la loi au Burkina Faso. » En d’autres termes, l’ISG est autorisée dans quatre cas précis : lorsque la grossesse met en danger la vie ou la santé physique ou mentale de la femme enceinte ; lorsqu’elle est la conséquence d’un viol ; lorsqu’elle résulte d’un inceste ; ou encore lorsque le fœtus est atteint d’une malformation grave.
Il faut souligner que dans chacun de ces cas, l’interruption de grossesse est encadrée médicalement, et ne peut être réalisée que jusqu’à un certain terme de la grossesse, généralement fixé à 12 semaines d’aménorrhée. Elle doit également être effectuée par un professionnel de santé qualifié dans un établissement de santé autorisé. Ce cadre légal vise à protéger la vie et la santé des femmes, tout en limitant les dérives et les abus. En ce sens, l’ISG/SL se distingue clairement de l’avortement clandestin, souvent réalisé dans des conditions sanitaires précaires, par des personnes non qualifiées, et qui constitue l’une des premières causes de mortalité maternelle dans le pays.
Malgré ce cadre légal relativement clair, la réalité est toute autre. De nombreuses femmes et jeunes filles au Burkina Faso ignorent leurs droits en matière de santé sexuelle et reproductive, y compris la possibilité de recourir légalement à une ISG/SL. La peur de la stigmatisation, le poids des normes sociales, le manque d’accès à l’information, la faiblesse des services de santé dans certaines zones rurales, et parfois même l’hostilité de certains prestataires de santé face aux demandes d’interruption de grossesse, constituent autant d’obstacles à l’accès effectif à ce droit. En outre, les lourdeurs administratives et la complexité de la procédure à suivre pour faire valoir l’un des motifs légaux rendent souvent difficile l’accès rapide et sécurisé à l’avortement pour les femmes concernées.
Il est donc urgent d’engager un travail d’information et de sensibilisation autour de l’interruption sécurisée de grossesse, afin de mieux faire connaître les dispositions de la loi et de promouvoir une approche respectueuse des droits et de la dignité des femmes. Cela passe par une éducation à la santé sexuelle et reproductive dès le jeune âge, par une meilleure formation des professionnels de santé, mais aussi par une vulgarisation du cadre légal à travers des canaux adaptés aux réalités du pays : radios communautaires, plateformes numériques, causeries éducatives, etc. Certaines organisations de la société civile jouent déjà un rôle important dans cette dynamique, à l’instar du Réseau des Héroïnes du Faso, de SOS Jeunesse et Défis, de l’Association Burkinabè pour le Bien Être Familial (ABBEF), de la Société des Gynécologues et Obstétriciens du Burkina (SOGOB) qui œuvre activement à briser les tabous sur les droits sexuels et reproductifs, notamment à travers des espaces sûrs de dialogue et d’information pour les jeunes.
Par ailleurs, il convient de replacer la question de l’ISG/SL dans une perspective plus large de santé publique. Selon des données de l’Organisation mondiale de la santé, environ 6 à 7 millions de femmes sont hospitalisées chaque année dans le monde pour des complications liées à des avortements à risque. En Afrique subsaharienne, plus de 75 % des avortements pratiqués sont considérés comme non sécurisés. Le Burkina Faso n’échappe pas à cette tendance, avec des centaines de jeunes filles qui meurent ou gardent des séquelles à vie après avoir tenté de mettre fin à une grossesse de manière clandestine. Ces drames auraient pourtant pu être évités si les jeunes filles et femmes concernées avaient eu accès à une information fiable, à un soutien adéquat et à des services de santé respectueux de leurs droits.
Il est important de rappeler que choisir d’interrompre une grossesse est souvent une décision difficile, douloureuse et complexe, que personne ne prend à la légère. Derrière chaque avortement, il y a une histoire de détresse, de violence, de précarité, ou simplement d’incapacité à assumer une maternité à un moment donné. La loi burkinabè reconnaît cela, en autorisant l’interruption sécurisée de grossesse dans des cas extrêmes où la vie, la santé ou l’intégrité des femmes est en jeu. Mais au-delà du cadre légal, c’est aussi un devoir moral de la société d’accompagner ces femmes, de les écouter, de les soutenir et de respecter leurs choix, au lieu de les juger ou de les condamner.
En conclusion, l’ISG/SL est un droit reconnu par la loi burkinabè dans des cas bien définis, mais ce droit reste encore méconnu, difficile d’accès et entaché de nombreux préjugés. Pour changer la donne, il faut une volonté politique affirmée, des campagnes d’information adaptées, des services de santé accessibles et bienveillants, mais aussi un engagement collectif pour défendre la santé, la dignité et les droits des femmes et des jeunes filles. L’ISG/SL, lorsqu’il est pratiqué conformément à la loi, sauve des vies. Il est temps d’en parler, sans honte ni jugement, mais avec humanité et responsabilité.
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