Au Burkina Faso, comme dans de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest, les adolescent(e)s et les jeunes représentent une part importante de la population. Selon l’Institut National de la Statistique et de la Démographie (INSD) en 2019, la population était majoritairement jeune. Les moins de 15 ans représentent 45,3% tandis que 64,2% de la population a moins de 24 ans et 77,9% a moins de 35 ans. Ce dynamisme démographique constitue à la fois une opportunité et un défi, notamment en matière de santé sexuelle et reproductive. L’un des sujets les plus sensibles, mais ô combien cruciaux, est l’accès à la contraception pour les adolescents et les jeunes. Dans un contexte marqué par des normes sociales conservatrices, le tabou autour de la sexualité, et une éducation sexuelle encore timide, parler de contraception pour les jeunes reste un combat. Pourtant, permettre aux jeunes de faire des choix éclairés sur leur santé sexuelle est une condition essentielle pour leur autonomisation, la réduction des grossesses précoces, et l’amélioration de leur bien-être.

Une réalité préoccupante

Malgré les efforts du gouvernement et de ses partenaires pour améliorer l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive, les statistiques demeurent préoccupantes. Le taux de prévalence contraceptive chez les adolescent(e)s reste faible. Selon l’Enquête Démographique et de Santé (EDS) 2021, seulement 13% des jeunes femmes âgées de 15 à 19 ans utilisent une méthode contraceptive moderne, contre 29% chez les 20-24 ans.

Ces chiffres traduisent non seulement une faible accessibilité aux méthodes contraceptives, mais aussi une méconnaissance de celles-ci et une peur du jugement social. Beaucoup de jeunes filles tombent enceintes sans l’avoir souhaité, avec des conséquences souvent dramatiques : abandon scolaire, rejet familial, avortements à risque, et parfois, rupture du lien social.

Les obstacles à l’accès à la contraception

1. Le poids des normes socioculturelles

Dans de nombreuses communautés au Burkina Faso, parler de sexualité aux jeunes est perçu comme une incitation à la déviance. Les parents et les leaders religieux ou coutumiers ont souvent une approche moralisatrice. Le recours à la contraception est perçu comme un comportement réservé aux femmes mariées. Une jeune fille célibataire qui cherche des méthodes contraceptives est automatiquement stigmatisée, assimilée à une “fille facile” ou à une prostituée.

2. Le manque d’information fiable

L’éducation sexuelle reste marginalisée dans les établissements scolaires. Très peu de jeunes reçoivent une information complète, scientifique et sans jugement sur la sexualité, les méthodes contraceptives, et la prévention des Infections Sexuellement Transmissibles (IST). L’information disponible provient souvent de pairs mal informés, des réseaux sociaux ou des rumeurs, renforçant les mythes (comme : « les contraceptifs rendent stériles » ou « provoquent le cancer »).

3. L’inadéquation des services de santé

Les centres de santé ne sont pas toujours adaptés aux jeunes. Les horaires, le manque de confidentialité, l’attitude parfois jugeante du personnel de santé dissuadent les adolescents de franchir la porte. Beaucoup de jeunes redoutent d’être vus par une connaissance ou d’être réprimandés par un agent de santé. Cette méfiance crée une barrière majeure à l’accès aux services.

4. Les barrières économiques

Même si certaines méthodes sont gratuites ou subventionnées, les jeunes ne sont pas toujours au courant. Pour d’autres, acheter une pilule ou un préservatif reste difficile financièrement, surtout pour ceux qui dépendent encore de leurs parents.

Les conséquences du manque de contraception

Le manque d’accès à une contraception adaptée et accessible pour les jeunes entraîne de nombreuses conséquences :

  • Grossesses précoces : elles concernent 1 fille sur 5 au Burkina Faso avant l’âge de 18 ans. Ces grossesses non planifiées exposent à des risques accrus pour la santé de la mère et du bébé.
  • Avortements à risque : faute d’options contraceptives ou de recours légal accessible, certaines adolescentes ont recours à des avortements clandestins, dangereux pour leur santé, voire leur vie.
  • Décrochage scolaire : une grossesse précoce met souvent fin à la scolarité d’une jeune fille, compromettant son avenir professionnel et son autonomie.
  • Exposition aux IST : faute de moyens de protection, les jeunes deviennent plus vulnérables au VIH/sida et autres IST.

Des initiatives encourageantes

Malgré ce tableau sombre, plusieurs initiatives innovantes émergent au Burkina Faso :

  • Centres d’écoute pour jeunes : certaines structures, comme les centres d’écoute pour jeunes de l’Association Burkinabè pour le Bien Etre Familial (ABBEF), offrent des services de santé adaptés, avec un personnel formé à l’écoute bienveillante.
  • Éducation complète à la sexualité : des ONG et associations locales comme SOS Jeunesse et Défis ou le Réseau des Héroïnes du Faso promeuvent des campagnes de sensibilisation dans les écoles et communautés.
  • Utilisation du numérique : les jeunes s’informent de plus en plus à travers des plateformes numériques, des blogs, ou des pages Facebook/Instagram dédiées à la santé sexuelle. Des plateformes existent comme QG Jeunes, HelloAdo…
  • Implication des pairs éducateurs : des jeunes formés vont à la rencontre d’autres jeunes pour sensibiliser sans jugement, avec un langage qui leur parle.

Quelles pistes pour améliorer la situation ?

  1. Déconstruire les tabous : Il est impératif d’ouvrir des espaces de dialogue intergénérationnels, où les jeunes peuvent poser des questions sans crainte et où les adultes apprennent à les écouter sans juger.
  2. Former le personnel de santé : Le renforcement des capacités en approche est essentiel pour offrir un accueil digne et confidentiel aux jeunes.
  3. Rendre les services accessibles : En proposant des horaires flexibles, des points de distribution dans les quartiers, ou encore des campagnes mobiles.
  4. Rendre effectif l’éducation à la vie familiale (EVF) dans les lycées et collèges : l’EVF doit être introduite systématiquement dans les programmes scolaires, avec des contenus adaptés à chaque tranche d’âge.
  5. Impliquer les leaders communautaires : Ce sont des relais influents. Leur sensibilisation peut contribuer à un changement de regard collectif sur la contraception chez les jeunes.

Permettre aux adolescent(e)s et aux jeunes du Burkina Faso d’accéder à une contraception fiable, confidentielle et abordable, c’est leur offrir les moyens de choisir leur avenir. Ce n’est pas une question de moralité, mais de santé, de dignité et de droits humains.

Les jeunes ne demandent pas la permission d’exister : ils demandent des outils pour vivre pleinement, en sécurité, et avec responsabilité. En les écoutant, en les accompagnant et en les protégeant, c’est toute la société burkinabè qui fait un pas de plus vers un avenir plus équitable.

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